mercredi 1 septembre 2010

Chapitre 18


athāṣṭādaśo'dhyāyaḥ | mokṣasaṁnyāsayogaḥ
18. - le Yoga de la Libération par le Renoncement
ou mokṣa saṁnyāsa yoga
arjuna uvāca
saṁnyāsasya mahābāho tattvamicchāmi veditum 
tyāgasya ca hṛṣīkeśa pṛthakkeśiniṣūdana
18-1 Arjuna dit: Ô Mahābāhu [mahābāho], je désire [icchāmi] connaître [vedituṁ] séparément {successivement} [pṛthak] la vraie nature {la vérité} [tattvaṁ] du Renoncement [saṁnyāsasya], ô Hṛṣīkeśa, ainsi que celle de l'Abandon [tyāgasya], ô Destructeur du démon keśi [keśiniṣūdana].
śrībhagavān uvāca
kāmyānāṁ karmaṇāṁ nyāsaṁ saṁnyāsaṁ kavayo viduḥ 
sarvakarmaphalatyāgaṁ prāhustyāgaṁ vicakṣaṇāḥ
18-2 Le Divin Seigneur dit: Les sages {érudit - cultivé} [kavayaḥ] considèrent {connaissent} [viduḥ] "saṁnyāsa" [saṁnyāsaṁ] comme étant le renoncement {comme étant l'abandon} [nyāsaṁ] aux actions [karmaṇāṁ] accomplies {inspirées} par le désir [kāmyānāṁ]; les sages {les experts - les expérimentés - wise} [vicakṣaṇaḥ] déclarent [prāhuḥ] que l'abandon [tyāgaṁ] des fruits de toutes les actions [sarva karmaphala] est "tyāga" [tyāgaṁ].
tyājyaṁ doṣavadityeke karma prāhurmanīṣiṇaḥ
yajñadānatapaḥkarma na tyājyamiti cāpare
18-3 Certains [eke] sages {méditatifs} [manīṣiṇaḥ] déclarent [prāhuḥ] que les actions [karma] doivent être délaissées {doivent être abandonnées} [tyājyaṁ] comme étant un mal [doṣavat]; et d'autres [ca apare] (déclarent) que les actes [karma] de sacrifice [yajña], de don [dāna] et d'austérité [tapaḥ] ne doivent pas cependant être abandonnés [na tyājyaṁ iti].
niścayaṁ śṛṇu me tatra tyāge bhāratasattama
tyāgo hi puruṣavyāghra trividhaḥ samprakīrtitaḥ
18-4 Entends de Moi [śṛṇu me] la vérité définitive {la ferme conclusion} [niścayaṁ] à propos de cet abandon [tatra tyāge], ô le Meilleur d'entre les Bhārata [bharatasattama]. Car [hi] on déclare réellement que [samprakīrtitaḥ] l'abandon [tyāgaḥ] est de trois sortes [trividhaḥ], ô Tigre parmi les hommes [puruṣavyāghra]!
yajñadānatapaḥkarma na tyājyaṁ kāryameva tat
yajño dānaṁ tapaścaiva pāvanāni manīṣiṇām
18-5 Les actes [karma] du sacrifice [yajña], du don {de charité} [dāna] et d'austérité [tapaḥ] ne doivent pas être abandonnés [na tyājyaṁ] mais doivent être accomplis [kāryaṁ eva]. Le Sacrifice [yajñaḥ], le don [dānaṁ] et l'austérité [tapaḥ ca] purifient [pāvanāni] même [eva] les sages {les méditatifs} [manīṣiṇāṁ].
etānyapi tu karmāṇi saṅgaṁ tyaktvā phalāni ca
kartavyānīti me pārtha niścitaṁ matamuttamam
18-6 Mais [tu] même [api] ces [etāni] actions [karmāṇi] doivent être accomplies [kartavyāni] en renonçant à [tyaktvā] l'attachement [saṅgaṁ] et aux fruits {et aux résultats} [phalāni], ô Pārtha. Ceci est [iti] ma [me] conviction {opinion} [mataṁ] certaine [niścitaṁ] et définitive {suprême} [uttamaṁ].
niyatasya tu saṁnyāsaḥ karmaṇo nopapadyate
mohāttasya parityāgastāmasaḥ parikīrtitaḥ
18-7 En effet [tu], renoncer [saṁnyāsaḥ] aux actes [karmaṇaḥ] prescrits {obligatoires} [niyatasya] n'est pas concevable {n'est pas justifiable} [na upapadyate]. Ce renoncement {cet abandon} [parityāgaḥ tasya] dû à l'erreur {dû à l'illusion} [mohāt] est déclaré {est considéré} [parikīrtitaḥ] tamasique {obscurci - borné} [tāmasaḥ].
duḥkhamityeva yatkarma kāyakleśabhayāttyajet
sa kṛtvā rājasaṁ tyāgaṁ naiva tyāgaphalaṁ labhet
18-8 Quelle que soit [yad] l'action [karma] qu'on abandonne [tyajet] parce qu'elle [eva iti] est douloureuse [duḥkhaṁ] ou par peur [bhayāt] de la souffrance [kleśa] corporelle {physique} [kāya], il s'agit d'un abandon [saḥ kṛtvā tyāgaṁ] rajasique {passionné} [rājasaṁ] et l'on ne peut obtenir aucun [na eva labhet] fruit [phalaṁ] de cet abandon [tyāga].
kāryamityeva yatkarma niyataṁ kriyate'rjuna
saṅgaṁ tyaktvā phalaṁ caiva sa tyāgaḥ sāttviko mataḥ
18-9 Lorsqu'on [yad] accomplit [kriyate] un devoir [kāryaṁ] uniquement [iti eva] parce qu'il doit être fait {parce qu'il est obligatoire} [niyataṁ], ô Arjuna, en abandonnant [tyaktvā] l'attachement [saṅgaṁ] et aussi [ca eva] le fruit [phalaṁ], cet abandon [tyāgaḥ] est considéré [mataḥ] comme sattvique {pur} [sāttvikaḥ].
na dveṣṭyakuśalaṁ karma kuśale nānuṣajjate
tyāgī sattvasamāviṣṭo medhāvī chinnasaṁśayaḥ
18-10 L'homme de renoncement [tyāgī], imprégné {pénétré} [samāviṣṭaḥ] de pureté [sattva], intelligent [medhāvī], ayant tranché [chinna] (tous) ses doutes [saṁśayaḥ], ne rejette pas {ne déteste pas} [na dveṣṭi] l'action [karma] désagréable [akuśalaṁ] et n'est pas non plus attaché [na anuṣajjate] à (l'action) agréable {à (l'action) favorable - juste} [kuśale].
na hi dehabhṛtā śakyaṁ tyaktuṁ karmāṇyaśeṣataḥ
yastu karmaphalatyāgī sa tyāgītyabhidhīyate
18-11 Il est en effet impossible [na hi śakyaṁ] à un être incarné [dehabhṛtā] d'abandonner [tyaktuṁ] totalement [aśeṣataḥ] les actions [karmāṇi]; mais [tu] celui qui [yaḥ] abandonne [tyāgī] les fruits des actions [karmaphala] est appelé [saḥ abhidhīyate] un homme qui pratique vraiment le détachement [tyāgī iti].
aniṣṭamiṣṭaṁ miśraṁ ca trividhaṁ karmaṇaḥ phalam
bhavatyatyāgināṁ pretya na tu saṁnyāsināṁ kvacit
18-12 Le triple [trividhaṁ] fruit de l'action [karmaṇaḥ phalaṁ] - désagréable {indésirable} [aniṣṭaṁ], agréable {désirable} [iṣṭaṁ] et mélangé [miśraṁ] - après leur mort [pretya] échoit [bhavati] à ceux qui n'ont pas renoncés [atyāgināṁ], mais jamais [na tu kvacit] aux hommes de renoncement [saṁnyāsīnāṁ].
pañcaitāni mahābāho kāraṇāni nibodha me
sāṅkhye kṛtānte proktāni siddhaye sarvakarmaṇām
18-13 Apprends de Moi [nibodha me], ô Mahābāhu [mahābāho], ces [etāni] cinq [pañca] causes {facteurs} [kāraṇāni] pour l'accomplissement [siddhaye] de toutes [sarva] les actions [karmaṇāṁ], comme cela est déclaré [proktāni] dans le système de pensée sāṅkhya [sāṅkhye], qui est la fin de toutes les actions [kṛta ante]:
adhiṣṭhānaṁ tathā kartā karaṇaṁ ca pṛthagvidham
vividhāśca pṛthakceṣṭā daivaṁ caivātra pañcamam
18-14 Le fondement {le siège - le corps} [adhiṣṭhānaṁ], également [tathā] l'agent {l'auteur - l'ego} [kartā], les différentes fonctions [pṛthag vidhaṁ] des instruments {des organes de perception} [karaṇaṁ], les divers et distincts [vividhaḥ pṛthak] mouvements {activités: (prāṇa, apāna, vyāna, udāna, samāna)} [ceṣṭaḥ] et enfin [ca eva] le cinquième [pañcamaṁ], la divinité qui y préside {la Destinée} [daivaṁ atra].
śarīravāṅmanobhiryatkarma prārabhate naraḥ
nyāyyaṁ vā viparītaṁ vā pañcaite tasya hetavaḥ
18-15 Quelle que soit l'action [yad karma] entreprise {accomplie} [prārabhate] par un homme [naraḥ] avec son corps [śarīra], sa parole [vāk] et son esprit [vā manobhiḥ], qu'elle soit juste [nyāyyaṁ] ou injuste [viparītaṁ], ces [tasya] cinq (facteurs) [pañca] en sont la cause [hetavaḥ].
tatraivaṁ sati kartāramātmānaṁ kevalaṁ tu yaḥ
paśyatyakṛtabuddhitvānna sa paśyati durmatiḥ
18-16 Cela étant ainsi [tatra evaṁ sati], celui dont [yaḥ] l'intelligence n'est pas mûre {l'intelligence est peu développée} [akṛta buddhitvāt], considère {voit} [paśyati] le Soi [ātmānaṁ] qui est vraiment l'Absolu [kevalaṁ tu] comme l'agent {comme l'auteur} [kartāraṁ], celui-là [saḥ] voit mal [na paśyati] comme un ignorant {comme un faible d'esprit} [durmatiḥ].
yasya nāhaṁkṛto bhāvo buddhiryasya na lipyate
hatvā'pi sa imā
llokānna hanti na nibadhyate
18-17 Celui qui [yasya] n'est plus égoïste {dont la nature n'est plus égoïste} [na ahaṅkṛtaḥ bhāvaḥ], dont l'intelligence [buddhiḥ] n'est pas souillée {n'est pas impure} [na lipyate], même [api] s'il tue [hatvā] ces [imān] hommes {créatures} [lokān], il ne tue point [na hanti] et n'est pas enchaîné {et il n'est pas lié} [na nibadhyate].
jñānaṁ jñeyaṁ parijñātā trividhā karmacodanā
karaṇaṁ karma karteti trividhaḥ karmasaṁgrahaḥ
18-18 La connaissance [jñānaṁ], l'objet de la connaissance {le connu} [jñeyaṁ] et celui qui connaît {le connaisseur} [parijñātā] forme la triple [trividhā] impulsion à l'action [karmacodanā]; l'instrument {les organes} [karaṇaṁ], l'action {l'objet} [karma], l'agent {l'auteur} [kartā] forment les triples [trividhaḥ] éléments {bases - compréhensions} [saṁgrahaḥ] de l'action [karma].
jñānaṁ karma ca kartāca tridhaiva guṇabhedataḥ
procyate guṇasaṅkhyāne yathāvacchṛṇu tānyapi
18-19 La connaissance [jñānaṁ], l'action [karma] et l'agent [ca kartā] sont de trois sortes [tridhā] selon les divisions {selon les différences} des guṇa [guṇabhedataḥ], c'est ce qu'enseigne [procyate] la science des guṇa {la théorie des trois propriétés essentielles} [guṇasaṁkhyāne]. Écoute donc [śṛṇu] comment ils sont réellement [yathāvat tāni api].
sarvabhūteṣu yenaikaṁ bhāvamavyayamīkṣate
avibhaktaṁ vibhakteṣu tajjñānaṁ viddhi sāttvikam
18-20 Cette connaissance [tad jñānaṁ] par laquelle [yena] on voit [īkṣate], dans tous les êtres [sarvabhūteṣu], l'Être Unique {le Soi} [ekaṁ bhāvaṁ], Impérissable [avyayaṁ], Indivisible [avibhaktaṁ] dans ce qui est divisé {dans le multiple} [vibhakteṣu], sache [viddhi] qu'elle est sattvique {est pure} [sāttvikaṁ].
pṛthaktvena tu yajjñānaṁ nānābhāvānpṛthagvidhān
vetti sarveṣu bhūteṣu tajjñānaṁ viddhi rājasam
18-21 Mais [tu] sache [viddhi] que la connaissance [yad jñānaṁ] qui voit [vetti] en tous les êtres [sarveṣu bhūteṣu] des entités [bhāvān] variées [nānā], de types différents [pṛthagvidhān], distinctes les unes des autres [pṛthaktvena], est rajasique {est passionnée} [rājasaṁ].
yattu kṛtsnavadekasminkārye saktamahaitukam
atattvārthavadalpaṁ ca tattāmasamudāhṛtam
18-22 Mais la (connaissance) [yad tu] qui s'attache [saktaṁ] à un seul [ekasmin] effet [kārye] comme si c'était le tout [kṛtsnavat], sans raison {qui est irrationnelle} [ahaitukaṁ], sans se fonder sur la vérité [atattvārthavat], et avec étroitesse d'esprit [alpaṁ], est déclarée [udāhṛtaṁ] comme étant tamasique {comme étant obscurcie - bornée} [tāmasaṁ].
niyataṁ saṅgarahitamarāgadveṣataḥ kṛtam
aphalaprepsunā karma yattatsāttvikamucyate
18-23 L'acte prescrit [niyataṁ], accompli [kṛtaṁ] sans attachement [saṅgarahitaṁ], sans passion ni haine {sans amour ni haine} [arāga dveṣataḥ] et sans en rechercher le fruit [aphalaprepsunā], est dit [ucyate] sattvique [sāttvikaṁ].
yattu kāmepsunā karma sāhaṁkāreṇa vā punaḥ
kriyate bahulāyāsaṁ tadrājasamudāhṛtam
18-24 Mais [tu] l'action [karma] accomplie [kriyate] par celui qui aspire aux désirs [kāmepsunā], ou [vā] aussi avec égoïsme [sāhaṅkāreṇa punaḥ] et avec beaucoup d'effort [bahula āyāsaṁ], est dite [udāhṛtaṁ] rajasique [rājasaṁ].
anubandhaṁ kṣayaṁ hiṁsāmanapekṣya ca pauruṣam
mohādārabhyate karma yattattāmasamucyate
18-25 L'action [tad karma] entreprise [yad ārabhyate] par erreur [mohāt], sans tenir compte [anapekṣya] des conséquences [anubandhaṁ], des pertes [kṣayaṁ], des dommages {des torts} causés aux autres [hiṁsāṁ] et de la force {et des capacités requises} [ca pauruṣaṁ], est dite [ucyate] tamasique [tāmasaṁ].
muktasaṅgo'nahaṁvādī dhṛtyutsāhasāmanvitaḥ
siddhyasiddhyornirvikāraḥ kartā sāttvika ucyate
18-26 L'agent [kartā] libre d'attachement [muktasaṅgaḥ], sans égoïsme {libre de fierté} [anahaṁvādi], pleinement doué {pleinement doté} [samanvitaḥ] de fermeté {de constance - de résolution} [dhṛti] et d'enthousiasme {d'endurance} [utsāha], indifférent {inaffecté} [nirvikāraḥ] au succès [siddhi] et à l'échec {et à l'insuccès} [asiddhyoḥ], est dit {est appelé} [ucyate] sattvique [sāttvikaḥ].
rāgī karmaphalaprepsurlubdho hiṁsātmako'śuciḥ
harṣaśokānvitaḥ kartā rājasaḥ parikīrtitaḥ
18-27 L'agent [kartā] passionné [rāgī], qui désire {qui recherche} [prepsuḥ] les fruits des actions [karmaphala], avide [lubdhaḥ], violent par nature [hiṁsātmakaḥ], impur [aśuciḥ], sujet [anvitaḥ] à la joie [harṣa] et à la douleur [śoka], est appelé [parikīrtitaḥ] rajasique [rājasaḥ].
ayuktaḥ prākṛtaḥ stabdhaḥ śaṭho naiṣkṛtiko'lasaḥ
viṣādī dīrghasūtrī ca kartā tāmasa ucyate
18-28 L'agent [kartā] instable [ayuktaḥ], vulgaire [prākṛtaḥ], vaniteux {rigide} [stabdhaḥ], fourbe [śaṭhaḥ], malhonnête {fallacieux} [naiṣkṛtikaḥ], indolent {paresseux} [alasaḥ], déprimé [viṣādi], hésitant {qui remet tout au lendemain} [dīrghasūtrī], est dit [ucyate] tamasique [tāmasaḥ].
buddherbhedaṁ dhṛteścaiva guṇatastrividhaṁ śṛṇu
procyamānamaśeṣeṇa pṛthaktvena dhanañjaya
18-29 Écoute [śṛṇu], ô Dhanañjaya, la triple [trividhaṁ] distinction {division} [bhedaṁ] de l'intelligence {de la compréhension - de l'intellect} [buddheḥ] et de la fermeté {et de la volonté} [dhṛteḥ ca eva] selon les guṇa [guṇataḥ]. Je vais te l'exposer [procyamānaṁ] en détail [aśeṣeṇa] et séparément {individuellement} [pṛthaktvena].
pravṛttiṁ ca nivṛttiṁ ca kāryākārye bhayābhaye
bandhaṁ mokṣaṁ ca yā vetti buddhiḥ sā pārtha sāttvikī
18-30 Cette intelligence {cette compréhension - cet intellect} [sā buddhiḥ] qui distingue {qui connaît} [vetti] les voies de l'action [pravṛttiṁ] et du renoncement [nivṛttiṁ], ce qui doit être fait [kārya] et ce qui ne doit pas être fait [akārye], la peur {le danger} [bhaya] et le courage [abhaye] la servitude [bandhaṁ] et la libération [mokṣaṁ], est sattvique [sāttvikī], ô Pārtha.
yayā dharmamadharmaṁ ca kāryaṁ cākāryameva ca
ayathāvatprajānāti buddhiḥ sā pārtha rājasī
18-31 Cette intelligence [sā buddhiḥ] qui perçoit {qui comprend} [prajānāti] incorrectement {de façon erronée} [ayathāvat] ce qu'est le dharma [dharmaṁ] et l'adharma [adharmaṁ], ce qu'il faut faire [kāryaṁ] ou ne pas faire [akāryaṁ], ô Pārtha, est rajasique [rājasī].
adharmaṁ dharmamiti yā manyate tamasāvṛtā
sarvārthānviparītāṁśca buddhiḥ sā pārtha tāmasī
18-32 Cette intelligence [sā buddhiḥ], enveloppée [āvṛtā] par tamas [tamasa], qui [yā] prend {considère} [manyate] l'adharma [adharmaṁ] pour le dharma [dharmaṁ], et toutes [sarva] les choses {les objets} [ārthān] en sens contraire [viparītān], ô Pārtha, est tamasique [tāmasī].
dhṛtyā yayā dhārayate manaḥprāṇendriyakriyāḥ
yogenāvyabhicāriṇyā dhṛtiḥ sā pārtha sāttvikī
18-33 La "fermeté" {la volonté - la constance - la résolution} [dhṛtyā] inébranlable [avyabhicāriṇyā] par laquelle [yayā], grâce au yoga [yogena], les fonctions {les activités} [kriyāḥ] de l'esprit [manaḥ], du Prāṇa {de la force vitale - de la vie} et des sens [indriya] sont maîtrisées {sont retenues} [dhārayate], cette [sā] fermeté [dhṛtiḥ], ô Pārtha, est sattvique [sāttvikī].
yayā tu dharmakāmārthāndhṛtyā dhārayate'rjuna
prasaṅgena phalākāṅkṣī dhṛtiḥ sā pārtha rājasī
18-34 Mais [tu] la fermeté [dhṛtyā] avec laquelle [yayā] on s'attache [dhārayate] au dharma, au plaisir [kāma], à la richesse [arthan], ô Pārtha, tout en désirant les fruits [phalākāṅkṣī] selon l'opportunité [prasaṅgena], cette [sā] fermeté [dhṛtiḥ] est rajasique [rājasī].
yayā svapnaṁ bhayaṁ śokaṁ viṣādaṁ madameva ca
na vimuñcati durmedhā dhṛtiḥ sā pārtha tāmasī
18-35 La fermeté [sā dhṛtiḥ] avec laquelle [yayā] l'insensé {l'ignorant} [durmedhā] ne renonce pas [na vimuñcati] au sommeil [svapnaṁ], à la peur [bhayaṁ], à l'angoisse {au chagrin} [śokaṁ], au désespoir [viṣādaṁ], à l'orgueil {à la sensualité} [madaṁ] est considérée [mātā], ô Pārtha, tamasique [tāmasī].
sukhaṁ tvidānīṁ trividhaṁ śṛṇu me bharatarṣabha
abhyāsādramate yatra duḥkhāntaṁ ca nigacchati
18-36 Et maintenant [idānīṁ], ô Meilleur d'entre les Bhārata [bharatarṣabha], apprends de Moi [śṛṇu me] la triple forme [trividhaṁ] du bonheur [sukhaṁ], par lequel [yatra] on se réjouit [ramate] grâce à sa pratique {grâce à sa répétition - grâce à son habitude} [abhyāsāt] et qui met [nigacchati] fin [antaṁ] à la souffrance [duḥkha],
yattadagre viṣamiva pariṇāme'mṛtopamam
tatsukhaṁ sāttvikaṁ proktamātmabuddhiprasādajam
18-37 Qui est [yad tad] comme [iva] du poison [viṣaṁ] au début [agre] et qui ressemble [upamaṁ] à du nectar [amṛta] à la fin [pariṇāme], qui naît {qui s'élève} [jaṁ] de la pureté {de la clarté} [prasāda] de la connaissance {de la compréhension} [buddhi] du Soi [ātma] - ce [tad] bonheur [sukhaṁ] est dit [proktaṁ] sattvique [sāttvikaṁ].
viṣayendriyasaṁyogādyattadagre'mṛtopamam
pariṇāme viṣamiva tatsukhaṁ rājasaṁ smṛtam
18-38 Le plaisir [sukhaṁ] produit par le contact [saṁyogāt] des organes des sens [indriya] avec leurs objets [viṣaya], qui au début [agre] ressemble [upamaṁ] à du nectar [amṛta], mais qui est à la fin [pariṇāme] comme [iva] du poison [viṣaṁ], est déclaré [smṛtaṁ] rajasique [rājasaṁ].
yadagre cānubandhe ca sukhaṁ mohanamātmanaḥ
nidrālasyapramādotthaṁ tattāmasamudāhṛtam
18-39 Ce bonheur {ce plaisir} [sukhaṁ] qui, dès le début [agre] comme à la fin {et dans ses conséquences} [anubandhe], voile {trompe} [mohanaṁ] le Soi [ātmanaḥ], qui est produit [utthaṁ] par le sommeil [nidrā], la paresse [ālasya] et la négligence [pramāda], est appelé [udāhṛtaṁ] tamasique [tāmasaṁ].
na tadasti pṛthivyāṁ vā divi deveṣu vā punaḥ
sattvaṁ prakṛtijairmuktaṁ yadebhiḥ syāttribhirguṇaiḥ
18-40 il n'y a aucun [na tad asti] être [sattvaṁ], sur la terre [pṛthivyāṁ], dans le ciel [divi] et parmi les dieux {parmi les deva} [deveṣu], qui ne soit [yad syāt] libéré {délivré} [muktaṁ] de ces [ebhiḥ] trois [tribhiḥ] guṇa [guṇaiḥ] nés de la Nature {Matière} [prakṛtijaiḥ].
brāhmaṇakṣatriyaviśāṁ śūdrāṇāṁ ca parantapa
karmāṇi pravibhaktāni svabhāvaprabhavairguṇaiḥ
18-41 Les devoirs {les actes} [karmāṇi] des brāhmanes [brāhmaṇa], des kṣatriya, des vaiśya [viśāṁ] et des śūdra [śūdrāṇāṁ ca], ô Paraṁtapa, sont répartis {sont divisés} [pravibhaktāni] selon les qualités [guṇaiḥ] nées de leur [prabhavaiḥ] propre nature [svabhāva].
śamo damastapaḥ śaucaṁ kṣāntirārjavameva ca
jñānaṁ vijñānamāstikyaṁ brahmakarma svabhāvajam
18-42 La sérénité [śamaḥ], la maîtrise de soi {la maîtrise des sens} [damaḥ], l'austérité [tapaḥ], la pureté [śaucaṁ], la patience {l'indulgence - le pardon} [kṣāntiḥ], la rectitude morale {la droiture} [ārjavaṁ], la sagesse {la connaissance} [jñānaṁ] et aussi [eva ca] la réalisation {l'expérience de Brahman} [vijñānaṁ] et la foi dans le divin [āstikyaṁ] forment les devoirs des brāhmanes [brahma karma], nés de leur propre nature [svabhāvajaṁ].
śauryaṁ tejo dhṛtirdākṣyaṁ yuddhe cāpyapalāyanam
dānamīśvarabhāvaśca kṣātraṁ karma svabhāvajam
18-43 L'héroïsme [śauryaṁ], l'énergie {la vigueur} [tejaḥ], la constance {la fermeté - la volonté} [dhṛtiḥ], l'habileté [dākṣyaṁ] et aussi [ca api] le courage au combat {le refus de fuir au combat} [apalāyanaṁ yuddhe], la générosité [dānaṁ], le sens de l'autorité {la seigneurie} [īśvara bhāvaḥ] forment les devoirs des kṣatriya [kṣātraṁ karma], nés de leur propre nature [svabhāvajaṁ].
kṛṣigaurakṣyavāṇijyaṁ vaiśyakarma svabhāvajam
paricaryātmakaṁ karma śūdrasyāpi svabhāvajam
18-44 L'agriculture [kṛṣi], l'élevage du bétail [gorakṣa], le commerce [vāṇijyaṁ] forment les devoirs des vaiśya [vaiśya karma], nés de leur propre nature [svabhāvajam]. Le devoir de servir [paricarya ātmakaṁ karma] est celui des śūdra [śūdrasya], né de leur propre nature [svabhāvajaṁ].
sve sve karmaṇyabhirataḥ saṁsiddhiṁ labhate naraḥ
svakarmanirataḥ siddhiṁ yathā vindati tacchṛṇu
18-45 Se consacrant [abhirataḥ] à son propre [sve sve] devoir [karmaṇi], l'homme [naraḥ] atteint {obtient} [labhate] la perfection [saṁsiddhiṁ]. Écoute maintenant [śṛṇu tad], comment [yathā] engagé {satisfait} [nirataḥ] dans son propre devoir [svakarma], il atteint {il réalise} [vindati] la Perfection [siddhiṁ].
yataḥ pravṛttirbhūtānāṁ yena sarvamidaṁ tatam
svakarmaṇā tamabhyarcya siddhiṁ vindati mānavaḥ
18-46 L'homme [mānavaḥ] atteint [vindati] la Perfection [siddhiṁ] en adorant [abhyarcya], par l'accomplissement de son devoir [svakarmaṇā], Celui [taṁ] dont émanent [yataḥ pravṛttiḥ] tous les êtres [bhūtānāṁ] et par Qui [yena] tout [sarvaṁ] est imprégné [idaṁ tataṁ].
śreyānsvadharmo viguṇaḥ paradharmātsvanuṣṭhitāt
svabhāvaniyataṁ karma kurvannāpnoti kilbiṣam
18-47 Son propre dharma [svadharmaḥ], (même) s'il est sans mérite {s'il est imparfait} [viguṇaḥ], est préférable {est supérieur} [śreyān] que le dharma d'un autre [paradharmāt] bien accompli [svanuṣṭhitāt]. Celui qui accomplit [kurvan] le devoir prescrit [niyataṁ karma] par sa propre nature [svabhāva] n'encourt pas [na āpnoti] de faute [kilbiṣaṁ].
sahajaṁ karma kaunteya sadoṣamapi na tyajet
sarvārambhā hi doṣeṇa dhūmenāgnirivāvṛtāḥ
18-48 Qu'on ne renonce pas [na tyajet], ô Fils de Kuntī [kaunteya], au devoir [karma] imposé par la naissance [sahajaṁ], même [api] s'il est accompagné de défauts {s'il est imparfait} [sadoṣaṁ]; car [hi] toutes [sarva] les entreprises {les activités} [ārambhaḥ] sont enrobées [āvṛtāḥ] par les défauts [doṣena] comme [iva] le feu [agniḥ] l'est par la fumée [dhūmena].
asaktabuddhiḥ sarvatra jitātmā vigataspṛhaḥ
naiṣkarmyasiddhiṁ paramāṁ saṁnyāsenādhigacchati
18-49 Celui dont l'intellect [buddhiḥ] est libre {est détaché} [asakta] en toute circonstance [sarvatra], maître de lui-même {qui a conquis son soi} [jitātmā], sans convoitise {affranchi des désirs} [vigataspṛha], atteint [adhigacchati] - grâce au renoncement [saṁnyāsena] - l'État {la perfection} Suprême [paramāṁ siddhiṁ], la Liberté à l'égard de l'action {l'état d'être libre d'action} [naiṣkarmya].
siddhiṁ prāpto yathā brahma tathāpnoti nibodha me
samāsenaiva kaunteya niṣṭhā jñānasya yā parā
18-50 Apprends de Moi {écoute attentivement} [nibodha me] brièvement [samāsena eva], ô Fils de Kuntī [kaunteya], comment [yathā tathā], ayant atteint [prāptaḥ] cette perfection [siddhiṁ], il réalise [āpnoti] ainsi Brahman [brahma], cet État {ce Sommet} [yā niṣṭhā] Suprême [parā] de la Connaissance {de la Sagesse} [jñānasya].
buddhyā viśuddhayā yukto dhṛtyātmānaṁ niyamya ca
śabdādīnviṣayāṁstyaktvā rāgadveṣau vyudasya ca
18-51 Doté [yuktaḥ] d'un intellect [buddhyā] parfaitement purifié [viśuddhayā] et [ca] contrôlant fermement son soi {se maîtrisant fermement} [dhṛtya ātmānaṁ niyamya], ayant abandonné {ayant rejeté} [tyaktvā] les objets des sens [viṣayān] tels que les sons [śabda ādīn], et ayant rejeté [vyudasya ca] la passion {l'attachement} [rāga] et la haine {et l'aversion} [dveṣau],
viviktasevī laghvāśī yatavākkāyamānasaḥ
dhyānayogaparo nityaṁ vairāgyaṁ samupāśritaḥ
18-52 Recherchant {demeurant dans} la solitude [viviktasevī], mangeant [āśī] légèrement {peu} [laghvā], maîtrisant [yata] l'esprit [mānasaḥ], le corps [kāya] et la parole [vāk], pour qui la méditation {pour qui la contemplation} et le yoga sont toujours (le devoir) le plus élevé [dhyānayoga paraḥ nityaṁ], prenant refuge [samupāśritaḥ] dans le détachement [vairāgyaṁ],
ahaṁkāraṁ balaṁ darpaṁ kāmaṁ krodhaṁ parigraham
vimucya nirmamaḥ śānto brahmabhūyāya kalpate
18-53 Ayant rejeté [vimucya] le sentiment du moi {l'égoïsme} [ahaṅkāraṁ], la force brutale [balaṁ], l'arrogance [darpaṁ], le désir [kāmaṁ], la colère [krodhaṁ], les possessions superflues {la convoitise} [parigrahaṁ], libéré de la notion de possession {libéré de la notion de "mien"} [nirmamaḥ], calme {paisible} [śāntaḥ], il est digne [kalpate] de devenir Brahman [brahmabhūyāya].
brahmabhūtaḥ prasannātmā na śocati na kāṅkṣati
sāmaḥ sarveṣu bhūteṣu madbhaktiṁ labhate parām
18-54 Devenant Brahman {absorbé en Brahman} [brahmabhūtaḥ], serein dans le Soi {ancré dans le Soi} [prasanna ātmā], il ne s'afflige pas [na śocati] ni ne désire [na kāṅkṣati]; étant le même [samaḥ] envers tous [sarveṣu] les êtres [bhūteṣu], il parvient à {il obtient} [labhate] la dévotion suprême envers Moi [madbhaktiṁ parāṁ].
bhaktyā māmabhijānāti yāvānyaścāsmi tattvataḥ
tato māṁ tattvato jñātvā viśate tadanantaram
18-55 Par cette dévotion [bhaktyā], il Me [māṁ] connaît [abhijānāti] en Essence {en Réalité} [tattvataḥ], ce que Je suis [yāvān yaḥ] et qui Je suis [ca asmi]. Puis [tataḥ], Me [māṁ] connaissant [jñātvā] dans Mon essence [tattvataḥ], il s'absorbe en Moi immédiatement {il entre dans le Suprême - il entre en Cela} [viśate tadanantaraṁ].
sarvakarmāṇyapi sadā kurvāṇo madvyapāśrayaḥ
matprasādādavāpnoti śāśvataṁ padamavyayam
18-56 Accomplissant [kurvāṇaḥ] toutes [sarva] ses actions [karmāṇi], prenant refuge en Moi [madvyapāśrayaḥ], par Ma grâce [mat prasādāt] il obtient {il atteint} [avāpnoti] la Demeure Éternelle [śāśvataṁ padaṁ] et Indestructible {et Inaltérable} [avyayaṁ].
cetasā sarvakarmāṇi mayi saṁnyasya matparaḥ
buddhiyogamupāśritya maccittaḥ satataṁ bhava
18-57 Me [mayi] consacrant [saṁnyasya] mentalement [cetasā] toutes tes actions [sarvakarmāṇi], Me prenant comme But Suprême [matparaḥ], recourant au {prenant refuge dans le} [upāśritya] Yoga de la discrimination [buddhiyogaṁ], fixe toujours ton esprit {tes pensées} en Moi [satataṁ maccittaḥ bhava].
maccittaḥ sarvadurgāṇi matprasādāttariṣyasi
atha cettvamahaṁkārānna śroṣyasi vinaṅkṣyasi
18-58 L'esprit fixé sur Moi {tes pensées fixé sur Moi} [maccittaḥ], tu franchiras {tu surmonteras} [tariṣyasi] tous [sarva] les obstacles [durgāṇi] par Ma Grâce [mat prasādāt]. Mais [atha] si [cet], par égoïsme [ahaṅkārāt], tu [tvaṁ] ne M'écoutes pas {tu n'acceptes pas Ma parole} [na śroṣyasi], tu iras à ta perte [vinaṅkṣyasi].
yadahaṁkāramāśritya na yotsya iti manyase
mithyaiṣa vyavasāyaste prakṛtistvāṁ niyokṣyati
18-59 Si ayant choisi {si ayant pris refuge en} [āśritya] l'égoïsme [ahaṅkāraṁ] tu penses [manyase] "je ne combattrai pas" [na yotsye iti], ta résolution {ta détermination} [vyavasāyaḥ] est vaine [mithyaiṣaḥ]; la Nature [prakṛtiḥ] t'y contraindra {te forcera à agir} [tvāṁ niyokṣyati].
svabhāvajena kaunteya nibaddhaḥ svena karmaṇā
kartuṁ necchasi yanmohātkariṣyasyavaśopi tat
18-60 Ô Fils de Kuntī [kaunteya], lié [nibaddhaḥ] par ton propre [svena] karma [karmaṇā] né de ta propre nature [svabhāvajena], tu seras en vérité obligé de faire [kariṣyasi avaśaḥ api] ce que, par égarement [mohāt], tu ne veux pas {tu ne désires pas} [na icchasi] faire [kartuṁ].
īśvaraḥ sarvabhūtānāṁ hṛddeśe'rjuna tiṣṭhati
bhrāmayansarvabhūtāni yantrārūḍhāni māyayā
18-61 Le Seigneur [īśvaraḥ] se tient {réside} [tiṣṭhati] dans la région du cœur [hṛddeśe] de tous les êtres {de toutes les créatures} [sarvabhūtānāṁ], ô Arjuna; Il les fait tournoyer [bhrāmayan] par Sa Māyā {par Son Pouvoir d'illusion} [māyayā] comme s'ils étaient montés [ārūḍhāni] sur une machine [yantra].
tameva śaraṇaṁ gaccha sarvabhāvena bhārata
tatprasādātparāṁ śāntiṁ sthānaṁ prāpsyasi śāśvatam
18-62 Prends [gaccha] refuge [śaraṇaṁ] en Lui seul [taṁ eva], de tout ton être [sarvabhāvena], ô Bhārata; par Sa Grâce [tat prasādāt], tu obtiendras [prāpsyasi] la Paix [śāntiṁ] Suprême [parāṁ] et la Demeure Éternelle [sthānaṁ śāśvataṁ].
iti te jñānamākhyātaṁ guhyādguhyataraṁ mayā
vimṛśyaitadaśeṣeṇa yathecchasi tathā kuru
18-63 Ainsi [iti] je [mayā] t'ai enseigné {t'ai transmis - t'ai révélé} [te ākhyātaṁ] la Sagesse {la Connaissance} [jñānaṁ] qui est plus secrète [guhyataraṁ] que tous les secrets [guhyāt]. Médite {réfléchi} [vimṛśya] profondément {complètement} [aśeṣeṇa] sur cela [etat] et agis [kuru] ensuite comme tu voudras {comme tu désires} [yathā icchasi tathā].
sarvaguhyatamaṁ bhūyaḥ śṛṇu me paramaṁ vacaḥ
iṣṭo'si me dṛḍhamiti tato vakṣyāmi te hitam
18-64 Écoute [śṛṇu] encore [bhūyaḥ] Ma parole [vacaḥ] Suprême [paramaṁ], de toutes [sarva] la plus secrète [guhyatamaṁ]. Puisque [iti] tu M'es très cher {tu M'es profondément cher} [iṣṭaḥ asi me dṛḍhaṁ], par conséquent [tataḥ] Je vais donc te dire [vakṣyāmi] ce qui t'est salutaire {ce qui t'est bénéfique} [te hitaṁ].
manmanā bhava madbhakto madyājī māṁ namaskuru
māmevaiṣyasi satyaṁ te pratijāne priyo'si me
18-65 Fixe en Moi ta pensée {ton esprit} [manmanāḥ bhava]; sois Mon dévot [madbhaktaḥ]; offre-Moi tes sacrifices [madyājī]; rends-Moi hommage {prosterne-toi devant Moi} [māṁ namaskuru]; ainsi tu viendras [eṣyasi] à Moi [māṁ eva]; cette vérité [satyaṁ], Je te le promets [pratijāne], car tu M'es [asi me] cher [priyaḥ].
sarvadharmānparityajya māmekaṁ śaraṇaṁ vraja
ahaṁ tvāṁ sarvapāpebhyo mokṣyayiṣyāmi mā śucaḥ
18-66 Après avoir abandonné {après avoir renoncé à} [parityajya] tous tes devoirs (du corps, du mental et de l'intellect) [sarvadharmān], prends refuge [śaraṇaṁ vraja] en Moi seul [māṁ ekaṁ]. Je te [ahaṁ tvāṁ] libérerai [mokṣayiṣyāmi] de tous [sarva] les maux [pāpebhyaḥ]; ne te lamente pas {ne t'afflige pas} [mā śucaḥ].
idaṁ te nātapaskāya nābhaktāya kadācana
na cāśuśrūṣave vācyaṁ na ca māṁ yo'bhyasūyati
18-67 Ceci tu [idaṁ te] ne doit jamais le dire [kadācana na vācyaṁ] à qui ne pratique pas les austérités [atapaskāya] et [ca] qui est sans dévotion [na abhaktāya], désobéissant {qui ne veut pas l'écouter} [aśuśrūṣave] et qui [yaḥ] critique {se révolte} [abhyasūyati] contre Moi [māṁ].
ya idaṁ paramaṁ guhyaṁ madbhakteṣvabhidhāsyati
bhaktiṁ mayi parāṁ kṛtvā māmevaiṣyatyasaṁśayaḥ
18-68 Celui qui [yaḥ], pratique [kṛtvā] une suprême [parāṁ] dévotion [bhaktiṁ] à Mon égard [mayi], enseigne {fait connaître} [abhidhāsyati] ce secret [guhyaṁ] ultime [paramaṁ], à Mes dévots [bhakteṣu], sans aucun doute [asaṁśayaḥ] viendra [eṣyati] à Moi [māṁ].
na ca tasmānmanuṣyeṣu kaścinme priyakṛttamaḥ
bhavitā na ca me tasmādanyaḥ priyataro bhuvi
18-69 Et aucun parmi les hommes [na ca tasmāt kaścit manuṣyeṣu] n'accomplira un acte qui puisse M'être plus agréable [me priyakṛ uttamaḥ], et [ca] nul sur terre ne Me sera jamais [na bhavitā priyataraḥ bhuvi] plus cher [priyataraḥ] que lui [anyaḥ tasmāt].
adhyeṣyate ca ya imaṁ dharmyaṁ saṁvādamāvayoḥ
jñānayajñena tenāhamiṣṭaḥ syāmiti me matiḥ
18-70 Et celui [ca yaḥ] qui étudiera [adhyeṣyate] notre [āvayoḥ] dialogue [imaṁ saṁvādaṁ] sacré [dharmyaṁ], M'adorera {M'honorera} [ahaṁ syāṁ iṣṭaḥ] par le Sacrifice de la Connaissance {par le sacrifice de la sagesse} [jñānayajñena]; telle est Ma pensée {telle est Ma conviction} [iti me matiḥ].
śraddhāvānanasūyaśca śṛṇuyādapi yo naraḥ
so'pi muktaḥ śubhā
llokānprāpnuyātpuṇyakarmaṇām
18-71 L'homme qui [yaḥ naraḥ], plein de foi [śraddhāvān], bienveillant {non envieux} [anasūyaḥ], l'écoutera [śṛṇuyāt], lui aussi [saḥ api] sera libéré [muktaḥ] et atteindra [prāpnuyāt] les mondes [lokān] heureux [śubhān] de ceux qui ont accompli le bien {de ceux qui ont accompli des actions méritoires} [puṇyakarmaṇāṁ].
kaccidetacchrutaṁ pārtha tvayaikāgreṇa cetasā
kaccidajñānasammohaḥ pranaṣṭaste dhanañjaya
18-72 Ô Pārtha, as-tu écouté [śrutaṁ] ceci [kaccit etat] avec un esprit [cetasā] concentré {attentif} [ekāgreṇa]? Est-ce que ta confusion {ton illusion} [kaccit te sammohaḥ] causée par ton ignorance [ajñāna] a été dissipée {a été détruite} [praṇaṣṭaḥ], ô Dhanañjaya?
arjuna uvāca
naṣṭo mohaḥ smṛtirlabdhā tvatprasādānmayācyuta 
sthito'smi gatasandehaḥ kariṣye vacanaṁ tava
18-73 Arjuna dit: Mon égarement [mohaḥ] a disparu {a été détruit} [naṣṭaḥ]. Par Ta grâce [tvatprasādāt], j'ai retrouvé {j'ai regagné} [labdhā] la mémoire {la connaissance} [smṛtiḥ], ô Acyuta. Je suis ferme [sthitaḥ asmi], mes doutes [sandehaḥ] ont disparu [gata]. J'agirai [kariṣye] selon Ta [tava] parole {Ton conseil} [vacanaṁ].
sañjaya uvāca
ityahaṁ vāsudevasya pārthasya ca mahātmanaḥ 
saṁvādamimamaśrauṣamadbhutaṁ romaharṣaṇam
18-74 Sañjaya dit: Ainsi ai-je entendu [ahaṁ iti aśrauṣaṁ] ce [imaṁ] merveilleux {prodigieux} [adbhutaṁ] dialogue [saṁvādaṁ] entre Vāsudeva [vāsudevasya] et Pārtha [pārthasya] au noble cœur {à la Grande Âme} [mahātmanaḥ], qui a fait se dresser mes cheveux sur la tête {qui m'a fait frissonner} [romaharṣaṇaṁ].
vyāsaprasādācchrutavānetadguhyamahaṁ param
yogaṁ yogeśvarātkṛṣṇātsākṣātkathayataḥ svayam
18-75 Par la grâce [prasādāt] de Vyāsa, j'ai entendu [śrutavān] ce [etat] Yoga [yogaṁ] Suprême [paraṁ] et très secret [guhyaṁ] directement [sākṣāt] de Kṛṣṇa [kṛṣṇāt], le Seigneur du Yoga [yogeśvarāt], qui l'a Lui-même enseigné [kathayataḥ svayaṁ].
rājansaṁsmṛtya saṁsmṛtya saṁvādamimamadbhutam
keśavārjunayoḥ puṇyaṁ hṛṣyāmi ca muhurmuhuḥ
18-76 ô Roi [rājan], chaque fois que je me rappelle [saṁsmṛtya saṁsmṛtya] ce [imaṁ] dialogue [saṁvādaṁ] prodigieux {merveilleux} [adbhutaṁ] et sacré [puṇyaṁ] entre Keśava et Arjuna [arjunayoḥ], je m'en réjouis [hṛṣyāmi] encore et encore [muhurmuhuḥ].
tacca saṁsmṛtya saṁsmṛtya rūpamatyadbhutaṁ hareḥ
vismayo me mahān rājanhṛṣyāmi ca punaḥ punaḥ
18-77 Me rappelant sans cesse [saṁsmṛtya saṁsmṛtya] cette Forme Suprême [tad rūpaṁ ati] et Merveilleuse [ca adbhutaṁ] de Hari [hareḥ], grand [mahān] est mon émerveillement {est ma stupeur} [vismayaḥ], ô Roi [rājan]. Et je m'en réjouis encore et encore [hṛṣyāmi ca punaḥ punaḥ].
yatra yogeśvaraḥ kṛṣṇo yatra pārtho dhanurdharaḥ
tatra śrīrvijayo bhūtirdhruvā nītirmatirmama
18-78[yatra] où est Kṛṣṇa [kṛṣṇaḥ], le Seigneur du Yoga [yogeśvaraḥ], là [yatra] où est Pārtha [pārthaḥ], l'archer [dhanurdharaḥ], là [tatra] sont la fortune [śrīḥ], la victoire [vijayaḥ], la prospérité [bhūtiḥ], et la conduite ferme {et ligne d'action juste (l'ordre)} [dhruvā nītiḥ]. Telle est ma pensée {ma conviction} [matirmama].
om tatsaditi śrīmadbhagavadgītāsūpaniṣatsu brahmavidyāyāṁ yogaśāstre śrīkṛṣṇārjunasaṁvāde mokṣasaṁnyāsayogo nāma aṣṭādaśo'dhyāyaḥ||18||
ॐ तत् सत्
Ainsi, dans l'Upaniṣad de la Glorieuse Bhagavad-Gītā, dans la Science de l'Absolu, dans l'Écriture du Yoga, dans le Dialogue entre le Seigneur Kṛṣṇa et Arjuna, s'achève le dix-huitième chapitre, intitulé: le Yoga de la Libération par le Renoncement ou mokṣa saṁnyāsa yoga.